A la rencontre de la Dame de Vix, la plus célèbre de l’archéologie française.

En Novembre 2023, j’ai eu la chance d’être missionnée par l’équipe du Musée du pays Châtillonnais, pour présenter deux ateliers autour de l’archéoanthropologie et une conférence sur les restes humains en musée. Intervenir là où se trouve la Dame de Vix, qui plus est dans la même pièce qu’elle, était un rêve. Car toute personne sensible à l’archéologie en France, encore plus à la Protohistoire, connaît la Dame de Vix, au même titre que le Prince de Lavau. Autant vous dire que mon “moi” étudiante il y a une dizaine d’année frétillait d’impatience de rencontrer une personne aussi connue du monde archéologique français.

Photo A. Mailler.

Le musée du Pays Châtillonnais situé à Châtillon-sur-Seine, abrite une collection archéologique locale importante qui permet au visiteur de voyager à travers le temps, de la Préhistoire jusqu’au début du XXe siècle. C’est dans ce musée, situé dans une ancienne abbaye, qu’il est possible de rencontrer la Dame de Vix, et de se familiariser avec ses objets d’accompagnement dont l’énorme cratère en bronze qui mesure plus d’1m60 de haut. Pour ma part, je suis partie de chez moi embarquant mon matériel pédagogique pour pouvoir rencontrer le public local et découvrir les lieux. Comme dans tous mes déplacements, j’ai été merveilleusement accueillie par l’équipe du musée que je remercie par la même occasion.

A la rencontre de la dame de Vix en pays Châtillonnais.

La sécurité c'est important.
Un public prêt !
Drôle de rencontre sur le chemin
Arrivée pluvieuse mais heureuse.

La collection du musée se divise en six catégories distinctes, qui peuvent intéresser aussi bien les passionnés de beaux-arts que d’archéologie. Le musée se divise comme ceci : – Un cabinet de curiosités – Une collection de beaux-arts – Le trésor de Vix – Marmont, Empire et Industrie – Le monde Gallo-romain – Celtes et gaulois Aucun doute, nous sommes dans une région propice aux visites autour de cette dernière période de la liste. L’occasion pour les visiteurs d’envisager pourquoi pas dans la région une visite du Muséoparc Alésia, chez qui j’ai pu présenter une conférence il y a quelques temps. Ma visite au musée du Pays Châtillonnais se concentrait principalement sur la salle dédiée à la tombe de Vix à l’occasion de la saison de la Toussaint et de Halloween ! Vous le savez, c’est ma “saison haute”. Si l’on parle de Trésor, ce n’est pas parce que l’on a retrouvé des centaines de pièces d’or brillantes au fond d’un trou. L’utilisation de ce terme ici désigne les trouvailles matérielles d’importance au regard d’une période archéologique. C’est en 1953 qu’a été découverte la tombe au pied du mont Lassois par deux personnes : René Joffroy et Maurice Moisson. Face aux nombreux objets entourant les restes squelettisés de l’individu occupant la tombe, rapidement l’appellation de Princesse de Vix est utilisée pour désigner cette découverte. Néanmoins, les appellations prince ou princesse chez les Celtes sont souvent mises entre guillemets, puisque nous ne connaissons pas le rôle ni le statut exact des individus ayant eu le droit à des funérailles si fastueuses.

Source : INRAP

A la vue du plan ci-dessus, il est relativement normal que l’ensemble puisse vous sembler difficile à comprendre en termes d’occupation de l’espace. Néanmoins, l’une des pièces qu’il est impossible de manquer, se trouve au coin haut gauche de cette illustration. Cette grande forme arrondie représente ce que l’on appelle le Cratère de Vix. Point d’impact terrestre ici, par ce nom est désigné un récipient en bronze aux mensurations improbables  : 1m64 de haut, plus de 208 kilogrammes et une contenance de 1100 litres. De quoi donner le vertige. De plus  cet objet unique est entièrement orné, ainsi, les représentations visibles dessus sont nombreuses. Il est indéniable que les personnes qui ont conçu cet objet étaient de fins spécialistes de leur art. La découverte de cette tombe occupe toujours les scientifiques, tant autour de son contenu, que de ses fouilles puisqu’en 2019, le site a de nouveau été fouillé pour tenter de retrouver des éléments supplémentaires de la chambre sépulcrale. Une fouille réalisée par les équipe de l’INRAP. Cette chambre n’était pas située n’importe où dans le paysage de son époque, puisqu’elle était installée sous un tumulus (monticule de terre artificiel de grande taille) près du mont Lassois dominant la Seine, ainsi que des remparts. Néanmoins, en 1953 année de sa découverte, le tumulus de la tombe devait être bien moins impressionnant qu’à son époque de construction.

Photo A. Mailler.

La tombe de la Dame de Vix.

La salle dédiée à la tombe de Vix permet de mieux comprendre l’ensemble de cette tombe à char exceptionnelle. Nous n’avons pas encore abordé la datation de la tombe dans cet article, mais nous sommes au VIe siècle avant notre-ère. Bien que son surnom soit Dame ou Princesse de Vix, son statut social n’est pas connu à nos yeux ni nommé précisément puisque nous sommes face à des peuples qui ne nous ont pas laissé de récits de leur époque. Toutefois, il est indéniable que ces funérailles correspondent à un traitement particulier très probablement en lien avec son rang, puisque de nombreux objets s’avèrent non seulement de valeur, mais également issus d’échanges commerciaux lointains. Ce dernier point est particulièrement visible puisque de nombreux objets d’accompagnement étaient d’origine étrangère étrusque ou grecque, mais aussi d’Europe du Nord pour certains bijoux, tant en technique qu’en motifs.

Photo A. Mailler.

Sur la photo ci-dessus, il est possible de voir une reconstitution partielle de la chambre funéraire. Il est possible d’y voir le char sur lequel le corps était posé avec les bijoux, tandis que les roues sont quant à elles posées à la verticale contre les parois en bois. Le char qui caractérise ce mode de sépulture est un char d’apparat, il a été pensé et conçu pour être avant tout esthétique avec de jolies plaquettes ajourées.  Tout cet ensemble d’indices tend à indiquer un statut social élevé comme je le mentionnais. Pour autant, est-ce que la Dame était d’une lignée locale ou bien a-t-elle été le fruit d’un mariage à des fins de stabilisation politique ? Ce qui est certain, c’est qu’elle a pu être accompagnée du plus fin artisanat de son époque, traduisant un goût prononcé pour les productions étrangères au sein des principautés celtes. Il faut dire que les celtes sont redécouverts depuis plusieurs années par le biais de l’archéologie, puisque les écrits les concernant émanaient de leurs voisins plus ou moins éloignés. Pour autant, nous le voyons au gré des découvertes funéraires liées à ces “princes” et “princesses”, leurs goûts et leurs habitudes de vie n’avaient rien de barbare. Pour en revenir au cratère précédemment présenté, ses ornements s’avèrent très variés et d’une grande précision. Cet objet aux mensurations exceptionnelles avait pour vocation dans sa forme la plus classique et de taille plus modeste, à mélanger le vin et l’eau lors des rituels grecs. La frise représente des hoplites, soldats grecs, et on retrouve également des motifs végétaux et animaliers. Les deux anses ornées, sont particulièrement reconnaissables par leurs figures de Gorgone.

Autre élément majeur de la tombe, le torque en or de 450 grammes découvrir au niveau du corps de la dame. La disposition précise sur la dépouille ou du vivant reste toujours sujette à interprétations. Certaines personnes placent le torque en collier, tandis que d’autres le placent en serre-tête. Ce torque exceptionnel est même sujet à des analyses, comme de nombreux objets de la tombe, pour mieux comprendre sa provenance. Ainsi, la tombe de la Dame de Vix n’a pas fini de faire parler d’elle au gré des études la concernant. Autre question qui reste en suspend : est-ce que tous ces objets lui étaient destinés et ont été fabriqués à sa mort, où ont-ils été créés pour une génération avant la sienne dont elle aurait hérité ? J’ai trouvé la muséographie de cette partie du musée tout à fait valorisante et épurée pour mieux faire place aux cartels et aux objets. Le public peut bouger sans encombres ce qui est très agréable pour naviguer au fil des artéfacts.

La rencontre avec la Dame de Vix.

Pour mes deux ateliers autour de l’archéoanthropologie, j’ai eu la chance d’être installée en face des restes de la Dame qui sont exposés non loin de la reconstitution de sa tombe. J’étais très reconnaissante de pouvoir la rencontrer, assez émue également comme à chaque fois que je rencontre de nouvelles personnes au sein des musées où je me déplace. C’est une grande chance pour moi de pouvoir observer ces ossements,  et de pouvoir les voir de près. Les visiteurs locaux sont habitués à cette muséographie, ce qui était très pratique pour moi afin de présenter mon atelier. En effet, en exposant mon squelette factice de travail non loin de la Dame, je pouvais lors de mon atelier proposer de comparer des éléments. J’ai eu la chance de présenter deux ateliers, l’un dédié aux enfants et l’autre dédié aux adultes.  Pour certains enfants, c’était une première initiation, pour d’autres c’était déjà une passion, mais j’étais très impressionnée du niveau de connaissance et de réflexion de ces petits. Nous avons regardé par la suite des images de sépultures pour essayer de voir ce qui leur semblait “étrange” ou ce qui leur semblait “normal” dans le traitement des morts. Nous nous sommes intéressés aussi un petit peu aux maladies et au travail de l’archéologue et de l’anthropologue sur un site et en laboratoire. Enfin, les enfants ont pu manipuler le grand squelette et le petit squelette factices, et découvrir également de vrais os. Pour les adultes, nous avons principalement abordé la question de la lecture des données en provenance des squelettes, et vu ensemble beaucoup de cas en lien avec la paléopathologie. De quoi mieux comprendre en quoi le travail des anthropologues est important, pour mieux comprendre les peuples passés et leur organisation face à la maladie ou le handicap.

Par ailleurs, le sexe biologique de la Dame de Vix est un sujet qui a été abordé par le passé. En effet, si son sexe biologique a été attesté, la question de son statut reste difficile à définir à savoir si elle avait du pouvoir depuis sa naissance ou suite à un mariage. Quant à la question du genre, nous n’avons que peu d’indices sur ces considérations dans les cultures celtes. En revanche, des analyses plus poussées ont permis de mieux connaître le passé de la défunte qui a grandi dans une zone montagnarde, et qui est arrivée dans la région  à l’âge adulte. Elle se nourrissait d’aliments protéinés et riches comme de la viande et des produits laitiers à l’image d’autres privilégiés de son époque. D’autres études ADN pourraient permettre de mieux définir cet individu adulte, pourquoi pas certains de ses traits, et mieux comprendre son passé. De ces compte-rendus pourrait être proposé la reconstitution d’un faciès pour la Dame la plus célèbre de la Protohistoire.

Les ex-voto de la cave à Essarois.

Le reste du musée vaut la visite pour les passionnés d’archéologie ou les simples curieux. En effet, l’une des salles a particulièrement attiré mon attention, celle consacrée aux ex-voto de la cave à Essarois. On doit cette fouille au XIXe siècle à Victorine de Chastenay qui habite à l’époque sur le site.

Le site a été occupé à la période gauloise, puis déserté au moment de la guerre des Gaules pour être à nouveau occupé en période gallo-romaine. On connaît un intérêt précoce pour ce site puisque les archives attestent qu’en 1789, un coffre “bizarre” a été découvert avec des inscriptions dessus aux caractères “singuliers ou inexplicables”. Personne n’a malheureusement pensé à estamper ces symboles, et le coffre a tout simplement disparu. Véritable langue ou charabia de faussaire ? Toujours est-il que l’ouvrage dont vous pouvez voir quelques extraits ci-dessus est tout simplement fascinant. Il n’y a plus qu’à vous rendre à Vix pour voir cette collection d’ex-voto.

Le reste du musée

 

Tout le reste du musée ne devrait pas vous laisser indifférent, puisque l’on continue à explorer l’archéologie de la région à travers les âges. La muséographie est claire, bien travaillée, je trouve que l’ensemble est très moderne mais exposé dans un bâtiment ancien. On sent que l’équipe sur place est passionnée par son site, qu’il y a un réel respect aussi bien pour les artefacts, que pour la Dame de Vix lorsque nous avons échangé à son propos. C’est un musée dynamique qui propose des animations, des expositions capsule aussi, et depuis le retour des beaux jours il y a même des randonnées archéologiques sur les traces de la princesse de Vix. Une utilisation du format Hors les murs originale.

Enfin, point non négligeable, la boutique est immense, on y trouve un très large choix de livres des plus accessibles aux plus pointus, des créations de la région avec des collections spéciales Dame de Vix et bien entendu de la gastronomie locale.

Alors, n’attendez plus ! Si vous êtes dans la région, découvrez cette petite pépite nichée dans des terres giboyeuses et pleines de mystère archéologique !

 

Le site du musée : https://musee-vix.fr

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